COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Indignation après 30 condamnations à mort à Kinshasa
Kinshasa, Paris, le 27 mai 2021 – Nos organisations dénoncent les récentes condamnations à mort prononcées par le tribunal de grande instance de Gombe, dans le centre de Kinshasa en République démocratique du Congo à la suite de violences contre les forces de l’ordre.
En République démocratique du Congo, le jeudi 13 mai 2021, des heurts ont éclatés aux abords du stade des Martyrs à Kinshasa entre deux communautés musulmanes. La police est alors intervenue pour disperser ces personnes en usant du gaz lacrymogène et des balles réelles. Des violences à l’encontre de la police ont été perpétrées et quarante-et-une (41) personnes ont été arrêtées et déférées devant le tribunal de grande instance de la commune de la Gombe, dans le centre de Kinshasa, en procédure de flagrance.
Au total, le tribunal de grande instance a condamné à mort trente (30) personnes au cours d’une audience sans désemparer qui a duré toute la nuit de vendredi 14 à samedi 15 mai 2021, soit deux jours seulement après leur arrestation. Les charges retenues étaient association de malfaiteurs, rébellion, coups et blessures volontaires et pillage, ainsi que tentatives de meurtre et assassinat pour certains des condamnés.
Nos organisations expriment de sérieux doutes sur les conditions entourant la tenue de ce procès et le respect du droit à un procès équitable, garanti par le Pacte international des droits civils et politiques des Nations unies – ratifié par la RDC.
Les prévenus ont été condamnés à mort au terme d'une seule audience en procédure de flagrance, en ayant chacun cinq minutes seulement pour se défendre, sans aucune preuve à charge ni témoin et sans instruction préparatoire. Les quelques policiers, qui ont témoigné, ont affirmé devant le tribunal que « faute des preuves sur l’identité des personnes qui ont agressé la police, nous avons considéré que toute personne appréhendée après la sommation verbale de la police de quitter les lieux était présumée coupable ».
Nos organisations dénoncent l’utilisation abusive par la justice congolaise de l’infraction d’« association de malfaiteurs » pour condamner à mort. En effet, au cours du dernier semestre, au moins 46 personnes ont été condamnées à mort sous ce chef d’inculpation.
Ces condamnations à mort interviennent dans un contexte où la RDC n’a procédé à aucune exécution depuis 2003. Plus récemment, le gouvernement congolais donnait des signes positifs en faveur de l’abolition de la peine de mort, notamment en prenant des engagements (certes avortés) à voter en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies pour un moratoire sur l’application de la peine de mort à l’automne 2020.
Alors même que la peine de mort n’est plus appliquée, celle-ci continue d’être prononcée par les juges. Une enquête publiée par ECPM et CPJ en 2019 intitulée « Vers une mort en silence » a révélé qu’il y avait au moins 510 condamnés à mort en RDC, dont la moitié sont dans un camp isolé à Angenga au Nord du pays, bien plus que les chiffres officiels ne laissaient paraître.
C’est pourquoi nos organisations :
- demandent au Parlement congolais de supprimer l’infraction d’association de malfaiteurs qui prévoit la peine de mort obligatoire et ouvre la voie à des condamnations à mort même pour des faits bénins ;
- recommandent à la justice congolaise d'éviter le recours à la procédure de flagrance lorsqu'il s'agit des faits susceptibles de conduire à la condamnation capitale et de mener des enquêtes sérieuses susceptibles d'établir la culpabilité des personnes poursuivies ;
- exhortent le gouvernement congolais à respecter ses obligations au titre du PIDCP, à ratifier le deuxième Protocole facultatif relatif au PIDCP visant à abolir la peine de mort et à prendre des engagements en faveur de l’abolition de la peine capitale, en particulier en soutenant la prochaine résolution des Nations unies appelant à un moratoire sur l’application de la peine de mort en décembre 2022.
Contacts presse
ACAT RDC : Michel Kalemba (maitremichelkalemba@gmail.com)
CPJ : Suzanne Mangomba (suzannemangomba@gmail.com)
FIACAT : Xavière Prugnard (x.prugnard@fiacat.org)
ECPM : Bertin Leblanc (bleblanc@ecpm.org)