Commission africaine des droits de l'homme et des peuples

81ème session ordinaire (17 octobre au 6 novembre 2024)

***

Point 3 de l'ordre du jour

Situation générale des droits humains en Afrique

Honorables Commissaires,


La FIACAT et les ACAT sont profondément préoccupées par l’évolution de la situation des droits humains dans plusieurs pays du continent où sont actif·ves les membres de notre réseau.

En République démocratique du Congo, la décision du Gouvernement de lever le moratoire sur les exécutions qui était observé depuis 2003 pourrait conduire à l’exécution de près de 1000 personnes. En effet, alors que plus de 160 personnes ont été condamnées à mort depuis la levée du moratoire au mois de février 2024, plus de 900 autres se meurent actuellement dans le couloir de la mort congolais. Dans ce contexte, nos organisations ont documenté de nombreuses violations à l’encontre des défenseur·es abolitionistes telles que des violations du droit à l’intégrité physique, des arrestations et détentions arbitraires ainsi que des accusations fallacieuses et des procédures judiciaires controuvées qui ont conduit plusieurs défenseur·es à l’exil. Dans tout le pays, les défenseur⸱es abolitionistes sont accusé⸱es de traitrise par les agent⸱es étatiques, accusation passible de peine de mort selon la note circulaire de la ministre de la Justice du 13 mars 2024.

La FIACAT met en garde sur la résurgence de la question de la peine de mort dans le contexte de l’augmentation des incursions des groupes armés et de la montée du terrorisme dans plusieurs Etats abolitionistes de fait sur le continent africain, et rappelle le rapport du Secrétaire général des Nations unies selon lequel « Rien ne permet de démontrer de façon concluante que la peine de mort aurait, plus que tout autre type de peine, un effet dissuasif ».

Honorables Commissaires,

Au Burundi, la FIACAT et les ACAT souhaitent également attirer votre attention sur les graves violations des droits humains, à la veille d’élections législatives. L’impunité généralisée des auteurs de ces violations, le rétrécissement de l’espace civique et la militarisation de la milice des Imbonerakure dans le contexte pré-électoral témoignent de l’arsenal déployé par le Gouvernement burundais pour intimider la population et restreindre encore davantage la liberté d’expression et de réunion.  De plus, des journalistes continuent d’être arrêté·e et détenu·es arbitrairement. La récente grâce présidentielle accordée à la journalise Floriane Irangabiye ne doit pas faire oublier que celle-ci a été arrêtée et détenue arbitrairement avant d’être condamnée au plus haut niveau de l’appareil judiciaire pour avoir exercé son droit à la liberté de la presse. D’autres journalistes, à l’instar de Sandra Muhoza du journal Lanova, continuent d’être détenu·es arbitrairement. Nos organisations continuent de dénoncer le jugement de la Cour suprême de février 2021 condamnant in absentia à une peine de prison à perpétuité douze défenseur⸱es des droits humains en exil, notamment le Président de l’ACAT Burundi. Cet harcèlement judiciaire s’inscrit dans un contexte de répression généralisée des défenseurs des droits humains au Burundi.

Par ailleurs, Honorables Commissaires,

La FIACAT et les ACAT souhaitent attirer votre attention sur les restrictions croissantes imposées aux ONG pour accéder aux prisons, ce qui privent les détenu·es d'un soutien moral, matériel et administratif crucial et de protection contre la torture. Nos activités dans plusieurs pays dont le Cameroun, le Congo, le Niger, la Côte d'Ivoire et le Bénin, ont été affectées par des restrictions et suspensions de l'accès des ONG aux prisons, souvent en violation des obligations nationales et internationales. En République démocratique du Congo, malgré une surpopulation carcérale extrême et des incidents violents, à l’instar des tragiques événements à la prison de Makala en septembre, les autorités continuent de refuser l'accès aux ONG, privant notamment les femmes détenues violées de soins médicaux et d'assistance juridique.

En République centrafricaine, la FIACAT est préoccupée par l’état des établissements pénitentiaires qui ont été durement fragilisés par les crises militaro-politiques de 2013. Au mois d’avril, nos organisations ont mené des visites de monitoring dans 11 établissements pénitentiaires et ont constaté que seuls 5 d’entre eux disposent d’une infirmerie. De nombreuses violations des droits humains ont également été documentées, notamment des cas de viols sur mineur·es à la maison centrale de Ngaragba située à Bangui qui accueillait près de 1700 détenu·es en avril pour 400 places disponibles. Par ailleurs, nous avons pu relever de nombreux cas de détention préventive abusive qui contribuent largement à la surpopulation carcérale.

Enfin, Honorables Commissaires,


La FIACAT et les ACAT appellent la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples s’enquérir de ces situations et à exhorter les États concernés à respecter leurs engagements régionaux en matière de droits humains.


Je vous remercie.