Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

79ème session ordinaire (14 mai au 3 juin 2024)

 Déclaration orale sur la situation des droits humains en Afrique

Point 3 de l’ordre du jour

 

Monsieur le Président, Honorables Commissaires,

La FIACAT, membre de la Coalition mondiale contre la peine de mort, partage les préoccupations de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples concernant la situation de la peine de mort en République démocratique du Congo.

La FIACAT et l’ACAT RDC, aux côtés de nombreuses organisations abolitionnistes alertaient depuis 2021 sur le risque de résurgence de la peine de mort, alors même qu’un moratoire sur les exécutions était observé depuis 2003.

En 2022, on notait deux initiatives parlementaires visant à reprendre les exécutions. Cette même année, la RDC votait pour la première fois contre la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies sur un moratoire sur l’application de la peine capitale.

Alors qu’en 2011 on comptait une condamnation à mort, en 2022, les tribunaux congolais ont prononcé plus de 163 condamnations à mort.

Plus de 800 personnes se meurent dans le couloir de la mort congolais.

Pour autant, le 5 février 2024, le Conseil supérieur de la défense demandait au Président Tshisekedi de reprendre les exécutions à mort, en particulier pour les condamnés à mort accusés de trahison au front. Quatre jours après, le Conseil des ministres mettait fin à plus de 30 ans de moratoire sur la peine de mort.

La ministre de la Justice est venue préciser les conditions de cette reprise des exécutions à mort le 13 mars dans une circulaire. Loin de ne concerner que les militaires ou les criminels de guerre, cette reprise des exécutions pourrait menacer la vie de la majorité des 800 personnes condamnées à mort.

Cette circulaire viole le principe constitutionnel qu’est la sacralité de la vie humaine qui s’impose à l’Etat congolais quelles que soient les circonstances (état de siège ou d’urgence).

Il s’agit d’un recul immense pour la République démocratique du Congo et pour l’ensemble du continent africain.

Monsieur le Président,

La FIACAT et l’ACAT RDC saluent la réaction immédiate de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples. Pour autant, le silence des autres instances de l’Union africaine et des autres Etats abolitionnistes du continent est assourdissant.

La peine de mort n’a jamais eu, et n’aura jamais, d’effet dissuasif. Elle ne pourra contribuer à rétablir la paix dans l’Est du pays ou la sécurité dans les villes congolaises. La peine de mort contribue à augmenter le niveau de violence dans un pays, en ôtant la vie de son peuple.

Face à la levée du moratoire pourtant en place depuis 2003, la FIACAT et l’ACAT RDC craignent une reprise imminente des exécutions.

C’est pourquoi nos organisations appellent le chef de l’État, en sa qualité du Magistrat suprême de faire passer avant tout le respect des droits humains dont le premier est le droit à la vie.

Monsieur le Président,

Depuis la levée du moratoire en février, la société civile abolitionniste congolaise est soumise à des représailles sans précédent. La FIACAT observe un acharnement contre les défendeurs de l’abolition : menaces, harcèlements, agressions physiques, arrestations arbitraires et même mandats de comparution.

Nous appelons la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples à se saisir de cette situation extrêmement préoccupante à l’encontre de ces défenseurs des droits humains.

Je vous remercie.