Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

73ème session ordinaire (21 octobre au 9 novembre 2022)

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Point 4 de l’ordre du jour : situation des droits humains en Afrique

 

Monsieur le Président,

Chaque jour, l’Afrique devient le prochain continent abolitionniste. Plus des trois quarts des Etats de l’Union africaine sont abolitionnistes en droit ou en pratique.

Le 27 juin 2022, le Président de la République centrafricaine a promulgué la loi portant abolition de la peine de mort. La FIACAT et l’ACAT Centrafrique encourage les autorités à poursuivre leurs efforts en ratifiant le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort et en soutenant le projet de Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples portant sur l’abolition de la peine de mort en Afrique.

En septembre dernier, la Guinée équatoriale devenait le 25ème Etat africain à abolir la peine de mort. En outre, l’actualité laisse présager que le camp abolitionniste se renforcera très prochainement puisqu’un projet de loi au Liberia et une proposition de loi au Ghana sont devant leur Parlement respectif.

Malgré ces avancées, quelques reculs sont à déplorer.

La FIACAT dénonce les nombreuses condamnations à mort en République démocratique du Congo, dont 51 prononcées en janvier 2022 par le tribunal militaire de Kananga. Plus encore,  le dépôt d’une proposition de loi portant autorisation d’exécution de la peine de mort à l’Assemblée nationale en mai 2022 laisse présager un terrifiant retour en arrière. Notre organisation encourage les autorités à inscrire au plus vite à l’ordre du jour de la prochaine session parlementaire la proposition de loi portant abolition mentionnée par le ministre des Droits humains en mars 2022 devant les Nations unies.

Enfin, au Niger, la FIACAT regrette les 4 condamnations à mort prononcées par les autorités judiciaires nigériennes, en janvier et mai 2022 à Dosso et Tillabéri et appelle l’État nigérien, en collaboration avec la société civile, à profiter de l’actuel processus de refonte des Codes pénal et de procédure pénale pour abolir la peine de mort.

Monsieur le Président,

La FIACAT souhaiterait dénoncer les graves violations des droits humains au Burundi en dépit de la volonté de calme affichée par le chef de l’État. De juin 2020 à août 2022, l’ACAT Burundi a dénombré 671 personnes arrêtées arbitrairement et 180 personnes torturées. Plus encore, l’ONG Ensemble pour le Soutien des Défenseurs des Droits Humains en Danger a documenté 13 cas de torture dans les cachots du Service national de renseignement en juin.

La FIACAT s’alarme de l’absence de justice pour les victimes et de l’impunité avérée des auteurs présumés, pourtant identifiés parmi certains agents du Service national de renseignement et des milices proches du pouvoir, couramment connus sous le nom d’Imbonerakure.

Enfin, la FIACAT dénonce le refus de collaboration des autorités burundaises avec le mécanisme des Nations unies et demande à la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples de diligenter une mission au Burundi afin de constater la situation actuelle des droits humains dans le pays.

Monsieur le Président,

La FIACAT souhaiterait vous faire part de ses préoccupations quant aux actions de l’Agence nationale des renseignements (ANR) en République démocratique du Congo. Alors même que le chef de l’État congolais avait promis, dès sa campagne électorale, de fermer tous les cachots de l’Agence sur l’ensemble du territoire, ceux-ci demeurent actifs. De nombreux opposants politiques, défenseurs des droits humains ou journalistes sont détenus arbitrairement au-delà du délai légal de 48h prévu par le Code de procédure pénale.

En outre, la FIACAT appelle les autorités congolaises à redoubler d’efforts pour élaborer un cadre juridique strict encadrant l’action de l’ANR, conformément à l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus, dites règles Nelson Mandela. Plus généralement, notre organisation demande à la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples de veiller à ce que des enquêtes impartiales et approfondies sur toute violation des droits humains commises par cette agence soient menées afin de contribuer au combat contre l’impunité.

Enfin, Monsieur le Président,

La FIACAT félicite la Côte d’Ivoire dans ses efforts pour incriminer la torture de façon autonome. Toutefois, il faut noter que le Code pénal ivoirien considère cette incrimination comme un délit (au vu des peines encourues) et non un crime. Malheureusement, aucune disposition législative ou règlementaire n’encadre spécifiquement la réparation des victimes de torture.

C’est pourquoi, la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture s’impose à la Côte d’Ivoire pour mettre en place un mécanisme de prévention de la torture.

Je vous remercie Monsieur le Président.