Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

65ème session ordinaire (21 octobre au 10 novembre) 

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Point 8 : rapport d’activité de la Présidente du Groupe de travail sur la peine de mort et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires en Afrique

Intervention orale conjointe de la FIACAT, de la Coalition mondiale contre la peine de mort et de la FIDH

 

Madame la Présidente,

Honorables Commissaires,

Chers participants et participantes,

Chers collègues,

La lutte pour l'abolition de la peine de mort a gagné énormément de terrain sur le continent africain. En 2017, le Burkina Faso et la Guinée ont aboli la peine de mort pour tous les crimes en 2017. En septembre 2018, la Gambie a ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui vise à abolir la peine de mort en septembre 2018. Le 2 octobre 2019, l'Angola est le dernier pays au monde à avoir ratifié ce même Protocole.

Toutefois, il reste encore beaucoup à faire en ce qui concerne le combat abolitionniste en Afrique : 18 pays appliquent un moratoire de fait sur les exécutions tout en maintenant les condamnations à mort et 16 continuent à condamner et à exécuter. La question de la reprise du recours à la peine de mort est particulièrement importante dans le contexte actuel, en effet, si plusieurs progrès sont effectivement à noter concernant l’abolition de la peine de mort, certains reculs doivent cependant être soulevés.

Madame la Présidente,

Au Tchad, la loi portant répression des actes de terrorisme et prévoyant la peine de mort pour les auteurs ou complices d’actes de terrorisme, a marqué un recul important. En effet, cette loi retient une définition du terrorisme très vague permettant d’inclure toute sortes d’infractions ne relevant pas du terrorisme comme cela a été le cas lors de la condamnation de 4 personnes pour meurtre le 27 août 2018.

Néanmoins, le ministère de la Justice du Tchad a organisé du 4 au 8 février 2019 à Bakara un atelier de relecture de l'avant-projet de loi portant répression des actes de terrorisme. Celui-ci est abolitionniste en ce qu'il retient la peine d'emprisonnement à vie comme peine maximale. C’est pourquoi, nos organisations demandent au Gouvernement tchadien de poursuivre sa dynamique abolitionniste en accélérant le processus d’adoption de cet avant-projet de loi en Conseil des ministres et de le mettre à l’ordre du jour de la prochaine session parlementaire.

Madame la Présidente,

Au Niger, alors qu’aucune condamnation à mort n’avait été prononcée en 2017 et 2018, les cours d’assises de Zinder (mars 2019), Niamey (juin 2019) et de Tahoua (septembre 2019) ont prononcé 9 condamnations à mort.

Nous tenons à rappeler que la loi suprême nigérienne dispose dans son article 11 que « la personne humaine est sacrée [et que l’Etat] a l'obligation absolue de la respecter et de la protéger » et dans son article 12 que « chacun a le droit à la vie ». De plus, le Niger observe un moratoire de facto sur la peine de mort depuis 1976, date de la dernière exécution. Enfin, en décembre 2018, le Niger a voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire universel sur la peine de mort. C’est pourquoi, nos organisations appellent :

  • les autorités nigériennes à faire respecter les dispositions de la Constitution par les tribunaux et à commuer ces peines de mort en peine de prison ;
  • la CADHP à rester attentive à la situation de la peine de mort au Niger et à adresser un appel urgent au Président de la République pour la reprise des condamnations à mort.

Madame la Présidente,

Depuis plus de 12 ans, le Zimbabwe n’a procédé à aucune exécution capitale.

Le 22 mars 2018, le Président du Zimbabwe, Emmerson Mnangagwa a commué en prison à vie les peines des condamnés à mort qui sont en attente d'exécution depuis plus de 10 ans ; seize personnes au moins ont pu bénéficier de cette mesure. À l’occasion de la 16ème Journée mondiale contre la peine de mort, le Président avait réaffirmé son opposition à la peine capitale. En décembre 2018, M. Ziyambi a déclaré devant la commission des droits de l'Homme du Sénat que le Parlement débattra d'amendements à la Constitution pour mettre fin à la peine capitale afin d'être au diapason de ce qui se fait ailleurs dans le monde.

Pour autant, en 2018, plus de 5 condamnations à mort ont été recensées et plus de 81 personnes sont toujours sous le coup d’une sentence capitale au Zimbabwe. De plus, en décembre 2018, le Zimbabwe a voté contre la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire universel sur la peine de mort, passant d’une abstention à une véritable opposition.

Considérant que la commutation de condamnations à mort est une première mesure encourageante, nos organisations appellent :

  • les autorités zimbabwéennes a accéléré l’abolition de la peine de mort en amendant la Constitution tout en sensibilisant l’opinion publique sur le bienfondé de l’abolition ;
  • la CADHP à rester vigilante sur la situation des personnes condamnées à mort en attente d’exécution.

Madame la Présidente,

Le 10 octobre dernier, nous célébrions la 17ème journée mondiale contre la peine de mort ayant pour objectif de sensibiliser aux droits des enfants dont les parents ont été condamnés à mort ou exécutés.

Souvent oubliés, ces enfants portent un lourd fardeau émotionnel et psychologique qui peut constituer une violation de leurs droits humains. Ce traumatisme peut survenir à tous les stades de la peine capitale d'un parent : arrestation, procès, condamnation, sursis dans le couloir de la mort, dates d'exécution, exécution elle-même et ses conséquences. Les cycles répétés d'espoir et de déception qui peuvent accompagner toutes ces étapes peuvent avoir un impact à long terme, parfois bien après le passage à l'âge adulte.

Conformément aux valeurs énoncées dans la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans le contexte des affaires judiciaires. A l'occasion du 30ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant, ce 20 novembre 2019, il nous est rappelé que la peine de mort constitue une violation profonde des droits de l'enfant, qui sont des droits humains.

 

Je vous remercie