Burundi : graves inquiétudes sur les violences et l’usage excessif de la force à l’approche des élections
Genève, Bujumbura - Le 20 mai 2020, le peuple burundais est appelé aux urnes pour une triple élection, présidentielle, législative et municipale. Les organisations burundaises et internationales signataires expriment de fortes inquiétudes face à la multiplication d’actes de violence au cours de la campagne, qui constituent déjà des germes de contestation et d’escalade des troubles électoraux lors du scrutin.
Depuis le début de la campagne électorale, la société civile observe avec préoccupation la recrudescence des cas de violation des droits de l’Homme, des discours de haine ethnique, d’usage excessif de la force, des cas d’intolérance politique, des affrontements entre des membres des partis politiques, des intimidations et menaces à l’encontre des personnes assimilées ou membres de ces partis.
« Après cinq années de tension dans le pays, marquées par des violations répétées des droits de l’Homme, des actes de torture, l’exil des acteurs politiques, des défenseurs des droits de l’Homme et des citoyens burundais, nous craignons que ces élections n’apportent pas de solution définitive à la crise sociopolitique que traverse le pays depuis 2015. Le temps est venu de faire la paix et régler par des voies démocratiques une crise qui a déjà trop duré », a affirmé Armel Niyongere, Secrétaire général de SOS-Torture-Burundi et Président de l’ACAT Burundi.
Au cours des dernières semaines, le bilan en matière des droits de l’Homme est devenu très préoccupant. Des allégations de violations et atteintes aux droits de l’Homme font état d’au moins 22 personnes tuées, dont sept cas d’exécutions extrajudiciaires et 10 corps sans vie retrouvés, six personnes enlevées, deux victimes de violence sexuelle, 18 torturées et 67 arrêtées arbitrairement. Les endroits les plus touchés sont notamment Bujumbura rural et mairie, Karuzi, Kirundo, Makamba, Muyinga, et Cibitoke. Parmi les victimes enregistrées figurent trois femmes et deux mineurs tués, deux mineurs enlevés, deux femmes torturées et quatre femmes arrêtées arbitrairement.
Toutes ces violences sont accompagnées de nombreuses entraves et de blocages multiples lors des déplacements de certains candidats de l’opposition politique et à des interdictions d’organiser des rassemblements dans certaines localités ou enceintes. Un climat de peur, de provocation et de calomnie règne, ce qui risque de déboucher sur des confrontations plus grandes pendant et après le scrutin. Cette situation n’est pas de nature à préserver la paix et ramener la confiance entre les différents acteurs sociopolitiques.
« A la suite de la Commission d’enquête des Nations unies sur le Burundi, nous encourageons le gouvernement burundais à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger tous ses ressortissants, à enquêter sur toutes les allégations de violations de droits de l’Homme et à sanctionner leurs auteurs. Les autorités doivent saisir cette opportunité électorale pour rouvrir l’espace démocratique, civil et politique du pays et rendre ainsi possible la tenue d’élections libres, transparentes et crédibles dans un climat pacifique », a déclaré Gerald Staberock, Secrétaire général de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT).
Les organisations signataires souhaitent rappeler aux autorités burundaises et aux différents partenaires internationaux du Burundi qu’une enquête a été ouverte par le bureau du procureur de la Cour pénale internationale sur la situation qui prévaut dans le pays depuis 2015, notamment sur les violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire. Il est donc crucial que l’ensemble des parties prenantes consacre une attention particulière à toute dérive qui pourrait surgir au cours du scrutin à venir.
Signataires :
- SOS Torture Burundi/ Burundi
- Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT-Burundi)
- Collectif des Avocats pour la Défense des Victimes de Crimes de Droit International commis au Burundi (CAVIB)/ Burundi
- Coalition Burundaise des défenseurs des droits humains (CBDDH)
- Association Burundaise des Journalistes en Exil (AJBE)
- Forum pour la conscience et le développement (Focode)
- Forum pour le renforcement de la société civile (Forsc)
- Coalition burundaise pour la Cour pénale internationale (CB-CPI)
- Tournons la Page Burundi (TLP-Burundi)
- Réseau des citoyens probes (RCP)
- Coalition de la société civile pour le monitoring Électoral (Cosome)
- Association burundaise pour la protection des droits humains et personnes détenues (Aprodh)
- Union burundaise des journalistes (UBJ)
- Collectif des associations contre l’impunité́ au Togo (CACIT)/Togo
- Mouvement Ivoirien des Droits Humains (MIDH)/ Côte d’Ivoire
- Observatoire des Femmes actives de Côte d'Ivoire (OFACI)/ Côte d’Ivoire
- Center for Human Rights and Democracy in Africa (CHRDA)/ Cameroun
- Alliance pour l’Universalité des Droits Fondamentaux (AUDF)/ RDC
- Réseau des Défenseurs des Droits de l’Homme (RDDH)/ RDC
- Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT/TCHAD)
- Fédération internationale de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (FIACAT)
- TRIAL International
- Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)