67ème session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

Virtuelle – via Zoom – 13 novembre au 03 décembre 2020

Point 4 de l’ordre du jour : situation des droits humains en Afrique

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Commissaires

La pandémie de Covid-19 constitue une crise sans précédent, qui a eu un impact majeur sur la situation des droits humains et des libertés fondamentales dans le monde entier. La FIACAT et ses membres souhaiteraient attirer l’attention de la Commission sur plusieurs situations particulièrement alarmantes en Afrique.

Monsieur le Président,

Cette crise sanitaire a mis en lumière et aggravé certains problèmes dont souffrent de nombreuses prisons. En effet, la promiscuité aggravée par la surpopulation carcérale, le manque d’hygiène et de personnel rendant impossible le respect des mesures sanitaires de base ont placé les personnes privées de liberté dans une position de forte vulnérabilité et ont fortement accru le risque de propagation du virus.

Face à cette menace, les Etats ont déployé une batterie de mesures visant à endiguer la propagation du virus parfois au détriment du respect des droits humains. Ainsi, de nombreux Etats, comme le Bénin et la Côte d’Ivoire ont interdit les visites des familles et des avocats aux personnes détenues. Les membres des ACAT, acteurs clés pour l’amélioration des conditions de détention et la préservation des droits des personnes détenues se sont également vu interdire l’accès aux lieux de détention.

Pour autant, d’autres Etats ont pris des mesures pour réduire la surpopulation carcérale par la libération de certaines catégories de personnes détenues. C’est notamment le cas du Congo qui a libéré une partie des prévenus en attente de jugement qui avaient dépassé les délais de détention préventive ou qui étaient poursuivis pour des infractions mineures. Ces mesures, bien qu’insuffisantes, démontrent qu’il existe des solutions pour garantir le respect des droits des personnes détenues tout en les protégeant de la pandémie.

Il est donc essentiel d'apporter des changements fondamentaux, dans le respect des garanties judiciaires., afin de garantir dans la pratique que la liberté soit la règle et la détention l'exception. Cette préoccupation est d'autant plus présente que la crise du Covid-19 a entraîné la suspension de nombreuses procédures judiciaires, ce qui pourrait alors conduire à une nouvelle congestion des tribunaux.

Monsieur le Président,

La lutte pour l'abolition de la peine de mort se poursuit sur le continent africain. Aujourd'hui, 22 États africains ont légalement aboli la peine de mort, tandis que 18 observent un moratoire sur les exécutions.

A ce titre, la FIACAT et ses membres tiennent à féliciter les autorités tchadiennes qui ont pris la décision d’abolir la peine de mort le 20 mai 2020. Cette décision est d’autant plus historique, qu’elle s’est faite au cours de l’examen d’un projet de loi portant sur la répression des actes du terrorisme, à l’unanimité.

La FIACAT et son réseau sont également très satisfaits de voir le processus de ratification du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques se concrétiser au Congo après l’adoption d’un projet de loi portant ratification de ce texte majeur pour l’abolition de la peine de mort. Nous invitons le Président à promulguer cette loi dans les plus brefs délais.

Monsieur le Président,

La crise sanitaire mondiale a démontré les effets profondément injustes que peuvent avoir, sur des personnes déjà fragilisées par cette sentence capitale, l’absence de visite dans les couloirs de la mort ou un système dans lequel juges et avocats ne peuvent travailler normalement. Par exemple, le 5 mai 2020, à l'issue d'un procès devant le tribunal d'Ikeja à Lagos, au Nigeria, un homme a été condamné à mort pour un meurtre commis en décembre 2018. Le procès n'a duré que trois heures et la sentence a été prononcée par vidéoconférence via l'application Zoom.

C’est pourquoi, FIACAT et ses membres appellent la Commission de :

  • recommander aux Etats membres de l’Union africaine de soutenir la prochaine résolution appelant à un moratoire sur l’application de la peine de mort, qui sera votée en décembre 2020 par l’Assemblée générale des Nations unies ;
  • exhorter tous les Etats membres de l’Union africaine appliquant encore la peine de mort à observer un moratoire sur les condamnations à mort et les exécutions, au motif qu'il est impossible de maintenir des procès équitables et une représentation juridique équitable pendant la pandémie du Covid-19 ;
  • relancer le processus d’adoption du projet de Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples portant sur l'abolition de la peine de mort en Afrique, en associant tous ses partenaires.

Monsieur le Président,

Consciente que cette pandémie a également fortement perturbé les activités de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, la FIACAT souhaite adresser ses remerciements à l’ensemble des commissaires pour l’organisation virtuelle des 66ème et 67ème sessions.

Malheureusement, l’on a pu constater une baisse de 50% de la participation de la société civile lors la 66ème session par rapport à la session précédente. Ceci est particulièrement problématique car de nombreuses organisations ne disposent pas de la connexion internet adéquate pour suivre et participer à ces sessions virtuelles. La pandémie mondiale ayant entraîné un rétrécissement de l'espace de la société civile, il est plus que nécessaire d'être vigilant sur l'implication et la participation des ONG.

Enfin, Monsieur le Président,

La FIACAT souhaiterait évoquer une situation très préoccupante concernant le manque d'engagement et de soutien des États membres de l'Union africaine à l'égard de la Cour africaine et de la Commission africaine. Ces institutions ont vu leur budget réduire de façon drastique et aucun financement n'a été alloué aux activités de programme de la Commission en 2020.

La FIACAT appellent ainsi les membres de l’Union africaine à garantir l'indépendance, l'autonomie et l'efficacité des organes régionaux de suivi des traités relatifs aux droits humains :

  • en adressant une invitation permanente à la Commission africaine pour des visites dans les pays ;
  • en se conformant aux appels urgents,
  • en ratifiant le protocole établissant la Cour africaine et en permettant aux individus et aux ONG de saisir la Cour.