Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples
77ème session ordinaire (20 octobre - 9 novembre 2023)
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Point 6 de l’ordre du jour
Rapport d’activité de la Rapporteure spéciale sur les prisons, les conditions de détention et l’action policière en Afrique
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur vous présenter une déclaration orale au nom de la FIACAT en nom et place de mes confrères et consœurs des ACAT actives sur le continent africain.
Nous souhaiterions, en premier lieu, remercier la Rapporteure spéciale sur les prisons, les conditions de détention et l’action policière en Afrique pour les nombreux travaux initiés.
Monsieur le Président,
La FIACAT et les ACAT souhaitent attirer l’attention de la Commission sur des situations qui en 2023, et après plus de 25 ans d’existence de ce mécanisme spécial restent préoccupantes.
La surpopulation carcérale reste endémique dans l’Union africaine, et contribue largement à la dégradation des conditions de détention qui peuvent s’apparenter à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, voire à la torture. Les taux d’occupations relevés dans certains établissements pénitentiaires peuvent atteindre 700% soit 7 fois la capacité d’accueil comme à la prison de Muramvya au Burundi où le taux relevé en décembre 2022 était de 756%.
D’autres Etats ne dérogent malheureusement pas à la règle comme le Congo ou Madagascar qui comptent des taux d’occupation de 409% à Brazzaville ou encore 637% à Pointe Noire (décembre 2022) ; et 381% à Antanimora et 194% à Toamasina (avril 2023). En Côte d’Ivoire, on compte près de 11 000 détenu.es pour 1 500 places à Abidjan et un total de 25 000 détenu.es alors même que le parc pénitentiaire permet d’accueillir 9 000 détenu.es.
L’une des raisons reste le recours au placement en détention provisoire contrairement à l’adage « la liberté est la règle, l’enfermement l’exception ».
Toutefois, l’on peut aussi souligner d’autres facteurs, qui, cumulés, donnent des Etats qui ne sont plus en capacité de répondre favorablement à leurs engagements régionaux et internationaux, tels que la mauvaise administration de la justice et le non respect de l’Etat de droit – au Congo, 74,70% des personnes incarcérées n’ont pas été notifiées de la prolongation de leur délai de détention préventive – ; l’irrégularité de la tenue des sessions criminelles trop souvent engorgées comme c’est le cas en Côte d’Ivoire ; un manque de synergie évident entre les acteurs de la chaîne pénale ; des prisons où le taux de personnes prévenues égale parfois le taux des personnes condamnées ; la criminalisation des infractions mineures et la multiplication d’incarcération en raison du statut d’activistes et enfin des moyens humains et financiers alloués à la justice et à l’administration pénitentiaire très insuffisants lorsqu’on s’aperçoit que ce domaine régalien ne concentre qu’à peine en moyenne 1% du budget de l’Etat.
Enfin, Monsieur le Président,
Au vu de ces constats, la FIACAT estime qu’il est nécessaire d’effectuer un travail de réflexion en profondeur pour repenser la politique pénale (encore très coloniale), la prison et l’administration de la justice. Elle encourage la Commission à donner à la Rapporteure spéciale sur les prisons les moyens de réaliser une étude sur les prisons et les conditions de détention en Afrique.
Je vous remercie.