Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

81ème session ordinaire (17 octobre au 6 novembre 2024)

Déclaration orale sur les difficultés d’accès des organisations de la société civile aux prisons

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Point 5 de l’ordre du jour

Rapport d’activité de la Rapporteure spéciale sur les prisons et les conditions de détention en Afrique

Madame la Rapporteure spéciale,

La FIACAT souhaiterait, en premier lieu, vous remercier pour votre rapport et les recommandations formulées visant à améliorer les conditions de détention en Afrique.

La FIACAT et les ACAT souhaitent attirer votre attention sur un problème croissant : les restrictions imposées aux organisations de la société civile dans un accès effectif aux prisons dans plusieurs pays du continent. Ces limitations privent les détenu·es non seulement d'un soutien moral, matériel et administratif crucial, mais également d'une protection contre la torture et les mauvais traitements. De plus, elles empêchent tout contrôle indépendant des conditions de détention, ce qui constitue une violation des normes internationales et régionales relatives aux droits humains.

Madame la Rapporteure spéciale,

Nos organisations ont ainsi observé des dysfonctionnements dans les systèmes carcéraux de plusieurs pays, entravant l'accès des ONG aux lieux de privation de liberté.

Au Cameroun, il n'existe aucune autorisation officielle permettant aux ONG de visiter les prisons. Les autorisations dépendent du bon vouloir des régisseurs et peuvent être révoquées suivant des dénonciations des conditions de détention.

Au Congo, malgré un engagement pris par les autorités devant le Comité contre la torture en 2016, les ONG éprouvent encore de grandes difficultés à obtenir des autorisations d'accès aux prisons – ou à voir leurs autorisations renouvelées.

Au Niger, par une circulaire publiée le 29 mai 2024, le ministre de la Justice a suspendu toutes les visites des ONG dans les prisons « jusqu'à nouvel ordre », en violation flagrante de ses obligations et engagements internationaux.

En Côte d'Ivoire, les ONG rencontrent des obstacles pour obtenir des autorisations de visite, notamment dans le cadre du monitoring des conditions de détention. Bien que la législation nationale dispose de « l'obligation de faciliter l'exercice des activités des défenseurs des droits de l'homme », les ONG ne peuvent toujours pas accéder aux lieux de détention sous la responsabilité de la Direction de la surveillance du territoire (DST) ; et aucune information n’est disponible sur les attributions de cette dernière.

Au Bénin, les visites des prisons ont été suspendues afin de limiter la propagation du Coronavirus, elles n’ont jamais été rétablies.

Madame la Rapporteure spéciale,

Nos organisations sont également profondément préoccupées par la situation en République démocratique du Congo, où les autorités refusent régulièrement l'accès des ONG aux prisons, malgré une surpopulation carcérale atteignant parfois 1300 %. La situation à la prison de la Makala est alarmante. Dans la nuit du 1er au 2 décembre 2024, cette prison, accueillant plus de 12 000 détenus malgré une capacité de 1500 personnes, a été le théâtre d’une violente tentative d’évasion. En dépit de ces graves incidents ayant entraîné au moins 129 morts et 59 blessés, les autorités congolaises continuent de refuser l'accès aux ONG, privant ainsi les personnes incarcérées de soins appropriés et d'une assistance juridique urgente, notamment pour toutes les femmes détenues victimes des viols de masse.

Face à ces constats accablants, la FIACAT et les ACAT appellent la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples à exhorter les États à garantir un accès régulier et sans entrave des ONG aux lieux de détention.

Je vous remercie.