Communiqué de presse

République démocratique du Congo – La société civile inquiète des violences et l’usage excessif de la force à l’approche des élections.

 

Genève, Kinshasa 21 Décembre 2018

Après l’annonce ce 20 décembre2018 par le Président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) du report des élections présidentielles, législatives et provinciales en République Démocratique du Congo (RDC), les organisations congolaises et internationales signataires de ce communiqué, expriment une forte inquiétude face aux risques de contestations et d’escalade de violences électorales au cours des jours à venir et lors du scrutin du 30 décembre 2018 initialement prévues le 23 décembre 2018. De nombreux acteurs de la société civile craignent que ce nouveau délai ne soit pas respecté et que ce report encourage un climat de méfiance et de suspicions entre les différentes parties prenantes pouvant remettre en cause la sérénité du processus électoral en cours.

En effet, au cours des dernières semaines de la campagne électorale qui a commencé le 20 novembre 2018, de nombreuses tensions ont été observées conduisant à des violentes confrontations et des heurts entre les militants des candidats de l’opposition et les forces de l’ordre faisant un usage disproportionné, excessif et inadéquat de la force contre les civils. Dans la ville de Kalemie, 4 personnes ont été tuées par balle par les groupes de sécurité privés proche du vice-gouverneur le 12 décembre selon certaines sources. Le 11 décembre à Lumumbashi, deux partisans de l’opposition ont été tués et au moins 43 personnes blessées dont 15 par balle. De même, à Mbuji-Mayi dans le centre du pays, un jeune a été tué le 13 décembre lors d’un rassemblement de l’opposition.

Toutes ces violences sont accompagnées de nombreuses entraves et des blocages multiples lors des déplacements de certains candidats et à des interdictions d’atterrissage ou d’organiser des rassemblements dans certaines localités ou enceintes. Un climat de peur, de provocation et de calomnie règne entre les différents acteurs et leurs militants ce qui risque de déboucher sur des confrontations plus grandes pendant et après le scrutin.

« Dans cette situation explosive, il existe un risque grave de violence, de torture et de mauvais traitements. Afin de ne pas attiser les tensions, et de retrouver et de conserver la confiance dans le processus, il sera essentiel de respecter l'état de droit et de prévenir la torture et les traitements inhumains et dégradants. Les représentants des États ont l'obligation de renforcer la protection des Défenseurs des Droits de l’Homme, qui jouent un rôle important, notamment dans un tel environnement. » a affirmé Gerald Staberock Secrétaire général de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)

En plus de ces éléments violents observés au cours des derniers jours, de nombreux activistes et militants de mouvements citoyens ont fait l’objet d’arrestation arbitraire et de traitements inhumains et dégradants. A titre d’exemple, 12 militants du mouvement citoyen la LUCHA ont été arbitrairement détenus à Kinshasa et à Goma pendant plusieurs jours et leur avocat a été à son tour intimidé et menacé de détention. Malgré leur libération récente, de nombreuses organisations sont inquiètes face au risque d’arrestations arbitraires et aux rumeurs de coupures d’internet lors du prochain scrutin prochain.

« Depuis environ deux ans le peuple congolais a démontré une grande détermination à s’exprimer démocratiquement à travers des élections démocratiques. Il est important pour les autorités congolaises de garantir le respect des libertés individuelles notamment de la liberté d’expression, d’accès à internet et de manifestation pendant ces élections » a expliqué Maitre Georges Kapiamba Président de l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ)

L’incendie qui a ravagé une partie du matériel électoral destiné à la ville de Kinshasa, ainsi que la polémique autour de l’usage de la machine à voter sont des raisons supplémentaires d’interpeler l’ensemble des parties prenantes à s’engager à un processus électoral transparent, consensuel et respectant les règles démocratiques.

« Ces élections constituent une opportunité unique pour la RDC d’ouvrir une nouvelle page démocratique et pacifique à travers une première alternance à la tête des institutions étatiques depuis environs 20 ans. Il est par conséquent crucial et souhaitable qu’elles se tiennent dans les nouveaux délais et surtout dans le calme et l’apaisement » a insisté Maitre Henri Wembolua Président de l’Alliance pour l’Universalité des Droits Fondamentaux (AUDF)

 

De plus, « de nombreux territoires de la RDC sont encore fragiles et font face à des crises sécuritaires et humanitaires importantes. Il est évident qu’un processus électoral contesté et violent pourrait aggraver la situation de millions personnes déplacées de force et de milliers de femmes victimes de violences sexuelles. La communauté internationale a la responsabilité de veiller à ce que le pays reste stable » a renchéri Madame Justine Massika Présidente de Synergie des Femmes contre les Violences Sexuelles (SFVS)

Les ONG signataires rappellent aux autorités congolaises et les différents partenaires internationaux de la RDC qu’au cours des dernières années, de nombreuses personnes y compris des défenseurs de droits humains ont été tués, torturés, maltraités ou encore détenus arbitrairement en vue de ces élections. Les ONG interpellent donc les autorités congolaises à enquêter et sanctionner toutes les violations de droits humains y compris l’usage disproportionné de la force contre les civils. Elles devraient agir avec diligence afin de garantir le respect des obligations internationales de la RDC en matière de droits humains et de démocratie.

Signataires :

ACAT RDC
Alliance pour l’Universalité des Droits Fondamentaux (AUDF)
Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ)
Fédération Internationale des ACAT (FIACAT)
Lutte pour le Changement (LUCHA)
Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)
Service Internationale pour les Droits de l’Homme (ISHR)
SOS Information Judiciaire Multisectorielle (SOS IJM)
Synergie des Femmes contre les Violences Sexuelles (SFVS)