Rapport alternatif de l’ACAT Sénégal, de la FIACAT et de la Coalition mondiale contre la peine de mort à l’occasion de l’examen du 12ème et 15ème rapports périodiques cumulés du Sénégal sur la mise en œuvre de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (2015-2022)

Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

75ème session ordinaire

3 au 23 mai 2023

L’ACAT Sénégal, la FIACAT et la Coalition mondiale contre la peine de mort saluent les progrès effectués par les autorités sénégalaises dans la mise en œuvre de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, notamment concernant le droit à la vie, l’interdiction de la torture, le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, le droit à un procès équitable et les libertés d’association et de réunion. Pour autant, certains manquements sont à déplorer.

Relativement au droit à la vie, malgré une position abolitionniste de longue date sur le plan national, la Sénégal n’a ni ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits et politiques visant à abolir la peine de mort (OP2-PIDCP), ni soutenu les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire universel sur l’application de la peine de mort. Nos organisations appellent le Sénégal à soutenir activement au sein de l’Union africaine le processus d’adoption du projet de Protocole additionnel à la Charte de Banjul portant sur l’abolition de la peine de mort en Afrique. 

Relativement à l’interdiction de la torture, les autorités sénégalaises se doivent de réviser le Code pénal et le Code de procédure pénale pour les mettre en conformité avec la Convention contre la torture au niveau de l’incrimination de la torture, tout en prévoyant des dispositions concernant l’inadmissibilité des aveux obtenus par la torture. Face à des allégations d’actes de torture, des mesures doivent être prises pour que soient menées, sans délai, des enquêtes pénales approfondies, indépendantes et impartiales.

S’agissant du système carcéral, on observe une surpopulation carcérale endémique. Le renforcement des alternatives à la détention, le respect des délais légaux en matière de détention préventive et la création d’un délai légal en matière criminelle sont autant de mesures pour lutter contre la surpopulation. Le Sénégal se doit d’assurer des conditions de détention dignes, à travers un accès aux soins effectif, une alimentation suffisante et une renforcement de la formation des agents chargés d’application de la loi (juges, police nationale, gendarmerie et services pénitentiaires) en matière de droits humains en s’inspirant des Lignes directrices de Luanda. En outre, l’Observateur national des lieux de privation devrait obtenir des ressources nécessaires et autonomes et avoir accès à l’ensemble les lieux privatifs de liberté.

Concernant les garanties procédurales, il est nécessaire de procéder à la formation et au recrutement de nouveaux magistrats et renforcer leur indépendance. L’État sénégalais devrait également veiller à la bonne répartition des juridictions dans le pays et à l’allocation d’un budget suffisant au bon fonctionnement de l’aide juridictionnelle.